En cette Semaine nationale de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs, nous souhaitons mettre en lumière le projet Sphères, une initiative multisectorielle, à laquelle participe Marie-Vincent, et qui est un exemple inspirant de collaboration et d’actions concrètes pour faire face à cette problématique sociale complexe (1).
Lancé il y a sept ans par l’Institut universitaire des Jeunes en difficulté (IUDJ), le projet Sphères vise à combler la lacune de services destinés aux jeunes en situation d’exploitation sexuelle, en particulier lors de leur transition de l’adolescence à l’âge adulte, moment où elles et ils peuvent éprouver certaines difficultés ou vulnérabilités, tant sur le plan personnel, familial que social. À cet âge, les jeunes peuvent percevoir l’exploitation sexuelle comme un choix possible ou, parfois même, comme une obligation. D’ailleurs, l’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 à 15 ans.
Destiné aux jeunes montréalais·e·s de 12 à 24 ans, le projet Sphères mise sur une approche de concertation intégrée pour accompagner les jeunes en situation d’exploitation sexuelle vers la construction d’une identité positive, la réappropriation de leur pouvoir d’agir et le développement de leur autonomie. La démarche est volontaire et individualisée.
Six partenaires communautaires et institutionnels engagés
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Des données alarmantes
En 2020, les services de police au Québec ont enregistré 2 209 infractions liées à l’exploitation sexuelle, contre 764 en 2015 (2). En plus d’être alarmants, ces chiffres ne représentent que la pointe de l’iceberg en raison du caractère clandestin de l’exploitation sexuelle, sous-estimant ainsi largement la réalité de cette problématique (3).
Quel que soit le type d’infraction, une forte majorité, pour ne pas dire la presque totalité des personnes victimes d’exploitation sexuelle sont de sexe féminin. En 2020, les femmes représentaient 98,6 % des victimes en ce qui concerne le proxénétisme et la traite des personnes à des fins sexuelles, 88,9 % au regard de la marchandisation de services sexuels et 84,3 % pour tous les cas de publication d’images intimes de personnes mineures.
Ces données ne reflètent pas le phénomène d’exploitation sexuelle chez les garçons, qui est également très répandu et moins documenté (ex. : services sexuels en échange de drogue, d’un toit, de nourriture, etc.). Les données concernant les garçons sont peu connues et cette clientèle est difficile à rejoindre dans le cadre du projet Sphères.
Le rôle essentiel de Marie-Vincent
Les interventions du projet Sphères se concentrent sur la prévention et la réponse aux besoins immédiats des jeunes, en offrant un suivi pouvant inclure, par exemple, des rencontres individuelles avec une intervenant·e, des activités récréatives et culturelles ainsi que des références et des accompagnements aux ressources spécialisées. Depuis 2019, les intervenant·e·s de Marie-Vincent accompagnent des jeunes en offrant un suivi psychothérapeutique pour remédier au manque de soutien dans la résolution des traumatismes vécus lors de situations d’exploitation sexuelle et d’autres types de victimisation (sexuelle et autres).
Alors que la prévalence d’un trouble de stress post-traumatique s’élève à 10 % dans la population féminine en général, une étude récente réalisée au Québec a permis d’établir qu’elle est de 25 % à 35 % chez les femmes victimes d’exploitation sexuelle (4).
Marie-Vincent a révolutionné l’approche en éliminant les listes d’attente et en priorisant les jeunes en situation d’exploitation sexuelle. Dès que les intervenant·e·s constatent la mobilisation de la victime et des besoins en termes de résolution de traumas, elles se dirigent immédiatement vers Marie-Vincent. Cette approche concertée favorise des suivis approfondis facilitant ainsi une prise en charge proactive et adaptée.
Ainsi, le projet Sphères bénéficie depuis 2019 d’un lieu centralisé pour faciliter le soutien offert aux jeunes en situation d’exploitation sexuelle. Cette collaboration avec Marie-Vincent a renforcé la capacité de Sphères à aborder la problématique de façon holistique, apportant ainsi une valeur ajoutée significative à la mission du projet.
Une approche concertée intégrée et centrée sur les besoins de la personne
Lorsqu’un·e jeune est victime d’exploitation sexuelle et désireux·se d’apporter des changements dans sa vie, il·elle doit pouvoir trouver les ressources pour être outillé·e à entreprendre des changements durables. C’est ce qu’offre le projet Sphères : une expertise et un accompagnement personnalisé pour que la victime parvienne à se reconstruire.
La plupart des jeunes soutenu·e·s proviennent de centres jeunesse. Le projet Sphères vient combler un besoin crucial d’accompagnement lors du passage à l’âge adulte, lorsque ceux·celles-ci se retrouvent livré·e·s à eux·elles-mêmes, renforçant ainsi la possibilité de changements durables.
Par son approche collaborative, le projet Sphères encourage le partenariat et l’élaboration d’actions concertées afin d’aider les jeunes à combler leurs besoins dans des contextes autres que celui de l’exploitation sexuelle. Les efforts des partenaires visent à soutenir ces jeunes dans une démarche d’intégration sociale et dans l’adoption de saines habitudes. Chacun·e des partenaires a un rôle important à jouer pour aider le·la jeune à mettre en place les changements souhaités dans sa vie, et le succès du projet réside dans la synergie entre les milieux communautaires, policiers, universitaires, de la santé et des services sociaux. Des efforts considérables sont notamment déployés afin d’augmenter la confiance de la clientèle envers les services policiers.
« Le fait de ne jamais porter l’uniforme aide à briser la glace. Rencontrer des jeunes en étant en civil contribue à leur faire vivre une interaction positive avec la police, ce qui n’a pas toujours été le cas pour eux·elles. À long terme, ça aide les victimes à défaire leurs perceptions négatives des forces de l’ordre, selon ce qui m’est rapporté.
L’expérience m’a aussi appris que la meilleure manière de gagner la confiance des jeunes est d’être à l’écoute de leurs besoins. Plusieurs se mettent à risque parce qu’ils·elles recherchent des sensations fortes. L’une des solutions que je propose souvent est de rechercher ces mêmes sensations, mais dans des activités plus saines, comme le sport. Certain·e·s jeunes me disent d’ailleurs vouloir devenir policier·ière·s pour ces mêmes raisons.
Ce qui est primordial pour protéger les victimes, c’est de s’assurer qu’elles bénéficient d’un filet de sécurité. De cette manière, même si elles ne sont pas encore prêtes à sortir de leur situation, d’ici là et lorsqu’elles le seront, elles ont un entourage à leur disposition. Nous travaillons donc aussi avec les parents ou d’autres adultes significatifs. »
– Agente Ann-Marie Houle, coordonnatrice du programme Les Survivantes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM)
« Lorsqu’un·e jeune accepte de participer au programme Sphères, son objectif initial est souvent de trouver un espace sécuritaire où il·elle peut s’exprimer librement sur sa situation, sans craindre d’être jugé·e, et explorer divers aspects tels que la gestion des risques, l’établissement des limites, les relations amoureuses, etc. Au fil des rencontres et des activités proposées, une relation de confiance se construit entre l’intervenant·e Sphères et le·la jeune. En respectant son rythme et son cheminement personnel, un réseau de soutien se met en place autour du·de la jeune, le·la guidant vers des ressources spécialisées et lui fournissant un soutien adapté à ses besoins. À mes yeux, chaque progrès accompli représente une victoire qu’il est important de souligner ! »
– Mélissandre Gagnon-Lemieux, Co-coordonnatrice du programme Sphères et conseillère clinique, En marge 12-17
En parallèle, trois psychothérapeutes de Marie-Vincent soutiennent les jeunes référé·e·s par des intervenant·e·s du projet Sphères en offrant un accompagnement centré sur la résolution des traumas et la réduction des méfaits.
« Les jeunes que je rencontre sont touchantes et attachantes. Leur capacité d’introspection et de travail sur elles-mêmes, malgré leur bagage traumatique parfois lourd, m’impressionne à chaque fois. Chaque pas qu’elles font est une source d’espoir et travailler avec elles est incroyablement stimulant. Collaborer en équipe avec les membres du projet Sphères et pouvoir compter sur un soutien mutuel est riche et primordial avec ce type de clientèle. Ce n’est pas seulement un travail, c’est une aventure humaine où l’importance de l’unité et du soutien ne fait que grandir. »
– Jennifer, sexologue et psychothérapeute à Marie-Vincent, partenaire du projet Sphères depuis 4 ans.
Des jeunes qui améliorent leurs conditions de vie
En plus du soutien psychothérapeutique, les jeunes qui participent au projet Sphères bénéficient de nombreux éléments pour les aider à reprendre leur vie en main, comme de l’aide à l’insertion professionnelle, des activités pour briser l’isolement social, des stratégies pour identifier les facteurs de risque ainsi que du soutien financier.
Marie-Vincent est fière partenaire du projet Sphères, une initiative qui cadre parfaitement avec sa mission de bâtir un monde sans violence sexuelle par le soutien des victimes dans une approche qui regroupe, sous un même toit, tous les services nécessaires. Marie-Vincent a suivi le parcours de 30 à 40 jeunes depuis le début de son implication, et elle souhaite maintenir sa collaboration auprès de ses partenaires afin de faire une réelle différence dans la vie de jeunes ayant traversé l’inimaginable.
(1) Briser le cycle de l’exploitation sexuelle. Plan d’action gouvernemental 2021-2026 en réponse aux recommandations de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, p. 20.
(2) Ibid, p. 9
(3) Ibid, p. 10
(4) Ibid, p. 15